La vélocité des changements démographiques à grande vitesse laisse le secteur de l’immobilier commercial et résidentiel dans l’incertitude
Beaucoup de gens ont déménagé durant la pandémie, délaissant les villes pour la banlieue. Ce phénomène a été bien documenté dans un excellent article de Bloomberg CityLab qui fonde ses conclusions sur des données provenant du service postal américain et du bureau de recensement des États-Unis. Par conséquent, le marché immobilier est en pleine expansion, même dans les villes rurales qui étaient autrefois délaissées en raison de la fermeture d’industries, comme les aciéries et les mines de charbon, tel que Bethlehem en Pennsylvanie où le Wall Street Journal a rencontré des acheteurs de maisons stupéfaits par les prix. Par contre, les raisons de certaines des pénuries de logements s’intensifient depuis la Grande récession de 2007-2008, selon cette analyse effectuée par Elyse Menger d’Applied Geographic Solutions.
Ces conclusions fournissent des preuves tangibles. À titre d’exemple, ma propre famille a été touchée par ces faits, avec trois de mes enfants adultes qui voulaient acheter des maisons au cours des deux dernières années. Le premier a conclu son achat au tout début de la pandémie et a trouvé sa résidence après avoir effectué seulement quelques offres dans la région de Washington D.C. Un autre a récemment acheté une maison dans la région de D.C., mais il a dû présenter plusieurs offres, toutes au-dessus du prix demandé. La dernière preuve provient de mon troisième fils qui cherche désespérément un logement dans la région de la baie de San Francisco. Après avoir soumis des offres sur plusieurs maisons, il n’a pas encore réussi puisque les autres acheteurs offrent plus de 20 % au-delà du prix demandé, et plusieurs d’entre eux soumettent des offres entièrement en espèces. Il a donc décidé de retarder sa recherche immobilière.
Perturbation démographique dynamique
Les conséquences d’un grand nombre de nouveaux acquéreurs et de l’exode urbain intéressent grandement les professionnels en intelligence géospatiale. En effet, ces derniers tentent d’étudier les données expliquant les mouvements démographiques affectant l’immobilier résidentiel et commercial. Il est important de rappeler que ces mouvements amènent une pénurie de logements donc une flambée des prix. La vélocité des nouvelles données accessibles aux analystes et la pandémie qui a accéléré plusieurs phénomènes uniques et rapides offrent une occasion de valider les avantages des modèles géospatiaux.
Ce qui devient prioritaire pour colmater cette volatilité du marché est le besoin de données de localisation. Heureusement, la technologie de géolocalisation permet désormais de récolter un grand volume de données provenant d’innombrables capteurs. Ces capteurs sont à la fois des appareils mobiles et des objets connectés qui fournissent des renseignements sur le comportement des consommateurs, leurs intérêts de consommation envers certaines entreprises ainsi que la localisation. À titre d’exemple, de récentes données d’U-Haul ont permis de déterminer de quelles villes provenaient les allers simples de la population (déménagement), ce qui confirme ce phénomène. Cependant, depuis que le système d’exploitation 14.5 iOS d’Apple restreint l’accès aux données de tiers provenant de cookies, ces capteurs numériques limitent considérablement l’accès à ce type de données, restreignant l’accès pour les spécialistes en marketing ou les investisseurs en immobilier.
Un taux d’inoccupation historiquement bas
L’analyse de Menger explique que durant la Grande récession, de nombreux travailleurs du secteur de la construction et de l’extraction des matières ont été mis à pied, les emplois s’évaporaient, et plusieurs d’entre eux ne sont jamais retournés sur le marché du travail. Cela a entraîné une pénurie de main-d’œuvre dans les secteurs de la construction et de l’industrie manufacturière lorsque l’économie s’est redressée. Par conséquent, le nombre de nouveaux logements requis dans les zones métropolitaines encore en croissance n’a pas suivi le rythme. La pandémie a eu un impact similaire en faisant grimper les prix des matériaux et en laissant les travailleurs sans emploi alors qu’ils recevaient des prestations d’assurance-emploi. Par ailleurs, comme Menger le souligne, les millénariaux représentent la plus grande cohorte démographique aujourd’hui et ces derniers ont tendance à retarder le mariage, et par conséquent, l’achat d’une maison. De plus, il existe non seulement une pénurie de logements dans les banlieues, mais aussi une pénurie de bois et de produits de base, comme le cuivre, qui ralentit la construction de résidences. De ce fait, les millénariaux sont pris entre les deux ; le marché comporte un trop grand nombre d’acheteurs qui cherchent un trop petit nombre de maisons.
Travailler à la maison
L’exode urbain hors des centres-villes a créé une surabondance d’actifs immobiliers commerciaux délaissés par les travailleurs qui peuvent maintenant s’offrir un style de vie professionnelle confortable à la maison. Bloomberg CityLab a indiqué qu’ « Il y a plus d’une décennie, vers 2010, le U.S. Census Bureau signalait que 7 % de la population active américaine travaillaient principalement à la maison, et qu’environ 10 % travaillaient de la maison une journée par semaine. Aujourd’hui, approximativement 40 % des emplois peuvent être exercés à distance » selon le National Bureau of Economic Research. La question que plusieurs se posent est de savoir si les travailleurs retourneront aux canyons urbains que sont les immeubles de grande hauteur. Les employeurs comme Google et Microsoft ont déjà affirmé que les situations de travail flexible seront acceptées.
La disparition des centres commerciaux se poursuit
La convergence de l’exode urbain, de la pénurie de logements dans les banlieues et de la pandémie place les détaillants en position précaire. Les centres commerciaux étaient en difficulté avant l’arrivée de la COVID-19. L’augmentation de plus de 20 % des achats effectués en ligne au cours de la dernière année a laissé de nombreuses répercussions : des magasins vacants dans les centres commerciaux linéaires et régionaux en raison du géant du commerce électronique, Amazon. Il est temps que les centres commerciaux s’adaptent.
Un récent article dans Chain Store Age proclame : « Si vous êtes propriétaire d’un centre commercial, vous êtes aussi propriétaire d’un entrepôt ». Les auteurs David Blumenfeld et Kyle Spencer expliquent comment les « propriétaires de centres commerciaux qui songent à offrir des services d’entreposage et de logistique devront entreprendre des virages fondamentaux dans la façon dont ils interagissent avec les locataires. Ils devront réévaluer et se procurer les outils et les technologies qu’ils intègrent dans leurs propriétés… Il s’agit d’une proposition gagnante pour les détaillants, pour les consommateurs, et certainement pour les locateurs. Élargir la définition d’un centre commercial permet d’élargir les sources de revenus, la clientèle et la valeur globale de la propriété. »
Il s’agit certainement d’une perspective optimiste. Mais, la plupart des promoteurs de centres commerciaux et des directeurs d’entrepôt potentiels ne réalisent pas que la localisation originale du centre commercial a été choisie en fonction de statistiques démographiques différentes provenant d’une époque différente. Aujourd’hui, de nouvelles données de localisation plus actuelles sont requises, comme l’achalandage, le temps moyen de la visite et des données en temps réel sur la circulation automobile. Des facteurs comme les entrées et les sorties d’un centre commercial servant de nouveau dépôt régional doivent être planifiés en fonction du trafic et de la circulation automobile actuelle.
Lorsque les données logistiques et géospatiales se rencontrent
Pour déterminer si une partie du centre commercial peut être convertie en entrepôt tout en donnant l’espoir aux détaillants existants que le pouvoir d’achat des visiteurs reviendra, de plus récentes données sur les dépenses de consommation effectuées en personne comparativement à celles effectuées en ligne doivent être obtenues. Il faut se poser de nombreuses questions, notamment :
- À quel endroit ont été effectués la plupart des achats récents (commerce électronique ou en personne) et quels sont les montants?
- Est-ce que la localisation de l’entrepôt qui était autrefois un centre commercial répond aux besoins des consommateurs locaux?
- Y a-t-il une propension et un besoin de livraison en une ou deux heures qui pourrait être satisfaite grâce au nouvel entrepôt?
- Quelles habitudes d’achat ont fondamentalement changé au cours de la dernière année?
- Y a-t-il plus de travailleurs intellectuels qui s’installent dans la région que de travailleurs industriels ou de cols bleus?
- Comment ces changements pourraient-ils être modélisés et est-ce qu’il est possible de déterminer une nouvelle utilisation « meilleure et optimale » du centre commercial? Doit-il demeurer un simple centre commercial? Ou encore, l’espace libéré par un locataire clé devrait-il être converti en entrepôt?
- Serait-il préférable de le transformer en établissement polyvalent comprenant des locaux de loisirs, des bureaux, des commerces au détail, etc.?
Dans ces cas précis, l’utilisation de données géospatiales et de la technologie de localisation s’avère très utile. Les modèles d’interaction spatiale qui tiennent compte de variables spécifiques au développement d’entrepôts peuvent déterminer l’attractivité, l’accès régional aux transports, les taxes, la distance entre les autres entrepôts pour établir des zones de livraison et des opportunités de ventes directes aux consommateurs (D2C). Les zones de chalandise, décrites en fonction de la distance, du temps de déplacement et de la sécurité routière, peuvent fournir aux gestionnaires de logistique la capacité d’évaluer la conversion d’un centre commercial en entrepôt.
L’immobilier commercial doit s’adapter à une nouvelle réalité
Une recherche effectuée par Prologis indique que l’avenir de l’immobilier logistique a été transformé à tout jamais en raison de la hausse du taux de croissance structurelle à long terme. « Pour être compétitifs, les magasins physiques devront répondre aux mêmes demandes de commodité et de fiabilité que celles offertes en ligne. Les options d’achat en ligne et de ramassage en magasin pourraient augmenter l’achalandage et les ventes après la pandémie, mais exerceraient de la pression sur les stocks des magasins, nécessitant un système de réapprovisionnement rapide à proximité pour garder les tablettes bien remplies… Tirer profit des données et de la technologie relatives à la vente au détail et à la gestion de la chaîne d’approvisionnement permet de créer un avantage concurrentiel qui peut aider les entreprises à élargir et à mondialiser plus efficacement leurs opérations. »
L’adaptation à l’environnement actuel demandera aux entreprises immobilières commerciales de maximiser la technologie afin de maintenir la même cadence après la pandémie. Les habitudes des consommateurs ont certainement changé, et ils ne reviendront pas en arrière. Ils se sont déjà adaptés à une nouvelle réalité et chaque secteur, y compris l’immobilier, en ressent déjà les effets.