Le capital spatial : une richesse méconnue des entreprises
16 mars 2022
Le capital spatial
Si l’on suit le raisonnement du sociologue Pierre Bourdieu dans les Actes de la recherche en sciences sociales, toute entreprise est dotée d’un capital économique, d’un capital social et d’un capital culturel. Leur coexistence et leurs interactions permettent de comprendre et d’expliquer la place d’une entreprise dans son espace socio-économique. Alors que le capital économique désigne l’ensemble des ressources économiques d’une entreprise, ses revenus et son patrimoine, le capital social fait plutôt référence à « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance ». Le capital culturel, en entreprise, relève davantage de ce que Bourdieu qualifie de forme institutionnalisée, c’est-à-dire de l’expertise, et du niveau de formation et de diplomation de ses membres. Dans cette logique, le géographe Jacques Lévy propose, dans le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, un autre type de capital : le capital spatial. Ce dernier est composé de l’ensemble des ressources développées par une entreprise (données, connaissances, expériences, compétences, sens des lieux, etc.) qui lui permettent de tirer avantage, selon sa propre stratégie et ses propres objectifs, de l’usage de la dimension spatiale de la société.
La pandémie de coronavirus SARS-CoV-2 aura perturbé plusieurs composantes : la mobilité, la consommation, le travail et les modes de sociabilité. Elle aura imposé aux particuliers, mais aussi aux entreprises, de revisiter, souvent en profondeur, leurs façons de faire. Elle aura également, pour certains, constitué un levier d’innovation obligé. Korem n’y a pas échappé. Ces nouvelles réalités ont été saisies pour repenser l’organisation du travail, la structure organisationnelle, mais aussi les lieux, les locaux, leurs nouvelles destinations et leurs rôles. La métaphore du « rebrassage des cartes » n’est pas utilisée par hasard ici, elle n’est pas non plus un caprice de style. J’évoquais dans un texte précèdent sur l’importance de l’expertise géospatiale dans un monde post-COVID, combien ces transformations avaient bouleversé les relations des individus, des organisations et des entreprises à l’espace géographique en général, en particulier à leurs lieux de vie. Ce rebrassage des cartes en est aussi — et surtout — un de nature géographique. Le capital spatial d’une entreprise est celui qui lui permet de rebrasser ses cartes.
Il est assez évident que les commerces et les entreprises de ventes de détail, ainsi que l’industrie de la restauration, ont dû composer, de façon souvent drastique, avec les contraintes sanitaires, les limitations de déplacement, les confinements successifs et les couvre-feux. L’exemple du mandat réalisé par Korem pour Les Rôtisseries St-Hubert Ltée quelques semaines avant le premier confinement démontre combien l’expertise géospatiale et, plus précisément, l’adressage et l’optimisation des itinéraires de livraison, ont permis à l’entreprise de faire face à l’accroissement significatif de ses commandes en ligne, tout en assurant la qualité de son service de livraison. Mais l’ensemble des entreprises, tous secteurs confondus, font face à de nouveaux enjeux de gestion des actifs spatialisés, des ressources (localisation et approvisionnement), du personnel (mobilité, travail à distance et hybride), des clients et des fournisseurs. Jamais sans doute, par le passé, le capital spatial des entreprises n’aura autant dû être développé et mobilisé; le faire fructifier est une affaire de spécialistes.
Pourtant, force est de constater que bon nombre d’entreprises sous-exploitent leur capital spatial, se privant ainsi de l’occasion compétitive qu’il pourrait représenter. La raison est, le plus souvent, le manque d’expertise et de connaissance internes, mais aussi l’absence d’une masse critique, qui permettrait de développer cette expertise interne. En période de pénurie de main-d’œuvre, cet enjeu est d’autant plus grand. C’est bien là, toute la valeur amenée par des spécialistes tels que Korem, qui développe un noyau d’expertises multidisciplinaires autour de la gestion et de la valorisation des données corporatives, commerciales ou des données à valeur ajoutée, et qui offre à ses clients une gamme de services d’accompagnement et de consultation visant à accroitre leur capital spatial.
L’expert géospatial : un conseiller en capital spatial
Pour une entreprise, tirer avantage de l’usage de la dimension spatiale de la société, selon son domaine d’affaires, son secteur d’activité ou ses objectifs de croissance, signifie avoir la capacité d’optimiser la gestion de ses actifs spatialisés (ses biens immobiliers et leur localisation optimale), de ses ressources (les chaines d’approvisionnement, la logistique et le transport), de son personnel (ses mobilités et ses modes travail), de ses clients et de ses fournisseurs. Pour ce faire, cela prend des données et des outils, mais aussi des compétences et un sens du raisonnement et de la décision qui ne réduisent pas l’espace géographique à un simple support physique. Cet espace devrait plutôt être considéré comme une dimension à part entière de la société et du marché dans lesquels l’entreprise évolue.
Compétences spatiales et expertise géospatiale (Source : Prédicats spatiaux)
Le tableau ci-dessus est le résultat d’un petit exercice de mise en correspondance des cinq compétences spatiales élémentaires décrites par le géographe Michel Lussault dans L’Homme spatial : La construction sociale de l’espace humain, des opérateurs élémentaires de l’analyse spatiale (en l’occurrence, ceux de l’Open Geospatial Consortium) et d’exemples d’utilisation de la technologie géospatiale. Il n’a pas d’autres prétentions que de mettre en évidence comment l’expertise géospatiale offre le support nécessaire pour outiller le capital spatial d’une entreprise.
L’expert géospatial accompagne et agit en tant que conseiller stratégique auprès de ses clients dans l’intégration de technologies géospatiales, et dans leurs processus décisionnels et stratégiques. Il est capable de mobiliser un portfolio de données et de logiciels, de recommander les meilleurs produits de l’industrie et de participer à l’intégration de solutions personnalisées qui répondent aux besoins d’affaires de ses clients. L’expert géospatial, par sa formation, ses compétences et son expérience est, en quelque sorte, au capital spatial ce que le conseiller financier est au capital économique : un conseiller en capital spatial.